Carnets de l'Economie

Droits de douane américains : une perte estimée à au moins 1,3 milliard d’euros pour les exportateurs français




Anton Kunin
01/07/2025

Le 3 avril 2025, l’administration Trump a confirmé l’élargissement de son offensive commerciale par une nouvelle salve de droits de douane visant spécifiquement les produits à forte valeur ajoutée issus des pays européens, dont la France. La cible cette fois : vins de terroir, maroquinerie d’exception, haute couture. Autant de biens dont l’élasticité-prix à l’export pourrait bien ne pas suffire à contenir la désertion du marché américain. Dans une note d’analyse rendue publique le 30 juin 2025, le cabinet Asterès en chiffre les conséquences et trace les lignes d’une riposte que les décideurs ne peuvent plus ignorer.


Un choc asymétrique aux effets mesurés mais ciblés

Les conclusions du rapport sont claires : en cas de mise en œuvre de droits additionnels de 100%, la France s’exposerait à une perte annuelle d’exportations estimée entre 1,3 et 2,7 milliards d’euros, concentrée sur deux filières ultra-exposées — le vin et le luxe. À elles seules, ces deux filières pourraient voir jusqu’à 45.000 emplois remis en question.

Mais ce n’est pas tant la perte immédiate qui inquiète Asterès, que la déstabilisation potentielle d’écosystèmes entiers, structurés autour d’une spécialisation historique sur le marché américain. La dépendance, dans certains bassins viticoles ou pôles industriels du luxe, atteint parfois plus de 40% du chiffre d’affaires à l’international.

Trois leviers identifiés pour résister sans se replier

L’un des apports majeurs de cette note tient à sa capacité à transformer un diagnostic alarmant en schéma stratégique d’action.

Trois pistes prioritaires sont identifiées :

- Mobilisation diplomatique européenne : Asterès recommande une action offensive de la Commission européenne pour négocier des exemptions ou organiser des contre-mesures ciblées, sur le modèle de la réponse tarifaire face aux taxes Boeing en 2021.
- Mécanisme d’amortissement économique : la création d’un fonds d’ajustement temporaire pour les entreprises affectées, permettant de soutenir leur trésorerie et d’éviter des destructions d’emplois en cascade.
- Diversification géographique et logistique : le rapport insiste sur l’urgence de réorienter les flux commerciaux vers des zones à fort potentiel de croissance non encore saturées, comme le Golfe, l’Asie du Sud-Est ou le continent africain, et d’investir dans des relais logistiques et numériques pour limiter la dépendance américaine.

Ce triptyque forme la colonne vertébrale d’une stratégie de résilience que les fédérations professionnelles commencent à examiner, sous l’impulsion de certains acteurs majeurs du secteur (Comité Colbert, FEVS).

Ce que disent (ou ne disent pas) les autorités françaises

La réaction politique demeure prudente. Officiellement, le Quai d'Orsay a exprimé sa « vigilance face aux pratiques commerciales agressives de l'administration américaine ». Mais la note d’Asterès semble indiquer qu’une riposte purement diplomatique serait insuffisante sans coordination économique immédiate.

L’absence d’un dispositif sectoriel d’urgence ou d’une task force interministérielle dédiée surprend, surtout à l’heure où d’autres pays — à commencer par l’Italie et l’Allemagne — ont déjà engagé des audits d’impact pour anticiper la suite.

Au-delà du cas américain : un test pour la stratégie commerciale française

Si cette crise tarifaire inquiète, c’est qu’elle agit comme un stress test grandeur nature pour la politique commerciale française. L’extrême concentration géographique de certaines exportations révèle une fragilité structurelle. Le rapport d’Asterès évoque une « dépendance stratégique excessive » au marché nord-américain dans les filières culturelles, sensorielles ou créatives, dépendance longtemps masquée par la rentabilité exceptionnelle de ces débouchés.

En filigrane, une question essentielle : et si l’ère des marges confortables à l’export touchait à sa fin ? Les tensions géopolitiques, la montée du protectionnisme, l’instabilité du multilatéralisme commercial imposent de repenser l’architecture des flux économiques extérieurs.










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