Carnets de l'Economie

Reinold Geiger, une très discrète efficacité




Thibault Yvon
22/03/2013

Autrichien de naissance, Reinold Geiger est actuellement le très discret président et actionnaire majoritaire de L’Occitane en Provence. C’est aussi et surtout un investisseur avisé qui a permis en 15 ans la transformation d’un petit réseau de boutiques françaises en une multinationale florissante pesant près de 4 milliards d’euros en 2012.


(Crédit : Capital.fr)
(Crédit : Capital.fr)
De sa passion d’enfance pour le ski, cet ancien champion junior a gardé la silhouette sportive et une tendance à ne pas pouvoir tenir en place. Constamment entre deux avions, pour se rendre auprès de son réseau de 2000 boutiques à travers le monde, il profite bien peu de sa maison à l’île de Ré ou de son chalet de Méribel. C’est pourtant en Provence, près de Manosque, que le cœur de ce nouveau milliardaire a atterri il y a bien des années.
 
Volonté d’indépendance et esprit d’entreprise
 
Reinold Geiger est ingénieur de formation suite à des études à Zurich, mais les aspects technique et désincarné de ce métier ne sont pas faits pour l’attirer. Salarié pendant environ deux ans d’une multinationale américaine en tant qu’assistant du Managing Director, il rêve, en plus grand, de suivre le modèle de son père, menuisier à son compte et entrepreneur indépendant. Il quitte donc une bonne place et décide de s’installer à Londres pour y fonder un tour operator, qui ne résistera pas aux séries de grève qui ont émaillé les années 1970 et 1980 en Grande-Bretagne. Il décide ensuite de se lancer dans le développement d’une start-up, travaillant dans le secteur des emballages plastiques. Mail elle ne survivra pas longtemps à des problèmes entre des actionnaires, tous anciens copains de l’école d’ingénieur. Sur la base de son expérience d’entrepreneur, il prend conscience de ses lacunes dans le domaine de la gestion économique d’une société et suit un MBA à l’INSEAD (Institut Européen d’Administration des Affaires) en France. A la sortie, contrairement à l’ensemble des autres étudiants, il ne postule pas pour un emploi mais décide de créer sa propre société dans le packaging des cosmétiques et des parfums. Il s’agit de son premier véritable succès et de sa première approche du marché des cosmétiques. En l’espace d’une dizaine d’année, cette société devient deuxième leader mondial et première en Europe et aux Etats-Unis. Mais estimant avoir fait le tour de la question, il revend progressivement ses parts et dispose ainsi d’un capital qu’il souhaite investir au plus tôt dans un autre projet.
 
L’aventure L’Occitane et la stratégie du deuxième rideau.
 
En 1994, lors d’un salon dédié aux professionnels des cosmétiques, il fait la rencontre d’Olivier Baussan, fondateur de l’Occitane en proie à ce moment à des difficultés de financement pour son développement. Séduit par le concept et l’identité provençale de l’enseigne, il investit 15 millions de francs et acquiert 33% du capital. Après deux ans d’observation, il rachète les parts des investisseurs financiers, actionnaires majoritaires jusque là de la société. Il réforme en profondeur la stratégie de l’entreprise, renvoie et remplace son président et accélère son développement international : il ouvre des boutiques à New-York et à Hong-Kong. Bien que les débuts soient extrêmement difficiles sur le marché asiatique, il persiste et ouvre rapidement une autre boutique à Tokyo. Le succès tant espéré prend quelques années, mais le pari de l’Asie comme marché d’avenir s’avère finalement payant. En 2010, la société entre en bourse sur la place de Hong-Kong, une première pour une entreprise française, qui lui permet de rembourser ses dettes et de poursuivre son développement en Asie.
En 2012, l’enseigne emploie 6000 salariés à travers le monde pour un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros.
Outre le pari risqué de l’Asie, le coup de génie de Reinold Geiger est d’avoir systématiquement mis en avant l’identité de la marque et la créativité de son fondateur, plutôt que l’intuition de son propriétaire. En ajoutant « En Provence » au nom de l’enseigne au tout début de son développement, il entend vendre au monde entier un produit intemporel, symbole d’un art de vivre à la Française et d’une certaine idée du luxe. Loin de miser sur la recherche pharmaceutique et sur la technologie, il fait le choix de l’authenticité et du naturel. Au travers de plusieurs engagements caritatifs et d’actions de mécénats, il développe l’image d’une société tournée vers la qualité des produits, le développement des produits et une certaine éthique de consommation comme de production. Disparaissant totalement du tableau, Reinold Geiger laisse le devant de l’affiche à la personnalité emblématique de ces valeurs, le fondateur de la marque. Un marketing original qui allie respects des producteurs et des consommateurs, efficacité économique et promotion de l’environnement : une combinaison gagnante en termes d’image de marque, et certainement un exemple à suivre dans des sociétés en panne de modèle.
















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