Carnets de l'Economie

QWANT : une nouvelle bonne idée ?




Thibault Yvon
15/03/2013

Lancé en fanfare il y a quelques semaines, le nouveau moteur de recherche français Qwant semble faire long feu, entre réactions dubitatives des internautes et communication fragile de l’entreprise. L’idée d’une offre différente est-elle trop osée pour des usagers très conservateurs ?


Portail du moteur de recherche Qwant
Portail du moteur de recherche Qwant
Développé depuis 2011, mais lancé en version béta depuis début 2013 uniquement, Qwant est une création de Éric Leandri, Jean-Manuel Rozan et de la société de logiciels Pertimm. Annoncé de manière très laconique, ce petit nouveau n’a pas tardé à faire le buzz auprès des médias spécialisés ou non, intrigués par cette invention française. On lui promettait un brillant avenir, avant que ne soient pointées du doigt certaines faiblesses techniques du produit. Mais elles n’enlèvent rien à la pertinence d’un concept surfant sur la vague du Made in France.
 
Une réelle nouveauté ?
 
L’idée de Qwant, c’est de proposer une synthèse, sur une seule page, de tout ce que peut proposer Internet comme contenus : images, vidéos, web, live, réseaux sociaux et shopping (1) . La présentation, que d’aucun pourrait trouver un peu chargée (2) , représente une bonne part de son originalité. Lancé dans 35 pays en 15 langues et hébergé en France par Telecity, Qwant a nécessité deux ans et plusieurs millions d’euros pour son développement, un montant et une durée jugée limitées par les spécialistes (3) . Mais la qualité des résultats de requêtes a globalement séduit les premiers utilisateurs de la technologie, annoncée comme 100% française. Sauf que justement ce n’est pas (encore) le cas : Qwant fait appel pour l’instant à Bing, le moteur de Microsoft, pour élargir le périmètre des requêtes, en attendant d’avoir accumulé suffisamment de données pour se lancer à partir de ses propres algorithmes. Rien de grave sur le fond, et une approche technique réaliste ; juste une précision oubliée lors des premiers communiqués, mais elle n’a pas échappé à certains internautes (4) . Le buzz s’est immédiatement retourné (5) , et Qwant a été en quelque sorte victime de son succès des premiers jours, surtout après que l’emballement médiatique l’ait qualifié de « Google-killer ». Être ambitieux est une qualité dans le monde des affaires, mais l’hybris peut être un défaut, lorsque de légitimes aspirations tournent à la démesure.
 
Le roi Google
 
Le marché des moteurs de recherche est un marché oligopolistique, avec trois prestataires, Google, Bing et Yahoo, qui se partagent 99.5% du marché, si on exclut le cas particulier des moteurs de recherche régionaux comme Baidu, qui officie sur le très contrôlé internet chinois. Google à lui seul référence environ 50 milliards de pages web, et représente 135 milliards de requête par mois (6) . Qwant est loin d’être le premier moteur de recherche à essayer de détrôner Google, mais l’immense majorité ont quasiment disparu aujourd’hui. La France a eu ses champions éphémères, avec par exemple Exalead, aujourd’hui propriété de Dassault Systèmes, ou encore Quaero, projet européen de moteur de recherche. Si Exalead est encore utilisé par les particuliers du fait d’outils particulièrement fins dans le traitement des requêtes, Quaero n’est plus utilisé qu’à des fins de recherche logicielle (7) .
 
 
La principale difficulté de la création d’un moteur de recherche performant réside dans les conditions d’entrée sur ce marché : un nouvel outil doit immédiatement trouvé une audience pour générer des recettes suffisantes à sa pérennité. Or cela suppose d’avoir un outil soit particulièrement innovant, soit prenant appui sur des bases de données gigantesques. Google est l’exemple d’un outil qui trouve rapidement ses limites en cas de recherche très précise, ou au contraire très approximative (Google ne référence pas les contenus sur les réseaux sociaux entre autres). Son système d’indexation, fondé sur le pageranking (qui classe les réponses en fonction du nombre de liens qui pointent vers les pages en question) n’est en effet pas adapté à ce type de requêtes. Mais au moins Google référence des dizaines de milliards de pages, le résultat cherché sera forcément quelque part, même si la recherche prend plus de temps que sur des produits concurrents à l’assise plus faible. Qwant est peut-être un outil plus innovant dans ce domaine, bien que peu de détails aient été donnés sur l’algorithme d’indexation (8) . Néanmoins ses bases de données sont encore trop faibles pour rivaliser avec le champ d’action de Google. C’est sur la qualité des algorithmes que sera jugé un moteur de recherche à l’avenir, il est encore trop tôt pour juger la qualité de celui de Qwant.


1 Qwant lance un moteur de recherche français, Le Figaro.fr, 12 février 2013
2 Qwant ça veut pas, ça veut pas, Ecrans.fr, 25 février 2013
3 Qwant, une nouvelle proposition de recherche web, Les Numériques.com, 21 février 2013
4 Qwant, le dernier «Google Killer» en date, qui ne killera probablement pas, Slate.fr, 19 février 2013
5 Le moteur de recherche Qwant, ou l’histoire d’un malentendu, Futura Sciences.com, 28 février 2013
6 Qwant, le dernier «Google Killer» en date, qui ne killera probablement pas, Slate.fr, 19 février 2013
7 10 "Google Killers"... et ce qu'il en reste, L’Express.fr, 18 mai 2009
8 C’est Qwant tu veux, Le Monde.fr, 19 février 2013