Carnets de l'Economie

Greenwashing : les entreprises seront-elles toujours suspectes de mauvaise foi ?




Thibault Yvon
19/04/2013

Le greenwashing, ou « écoblanchiment » dans un français approximatif, consiste de manière péjorative pour les entreprises à instrumentaliser des engagements sociaux ou environnementaux à des fins mercantiles. Il s’agirait le plus souvent d’une simple opération marketing, destinée à mettre en avant les valeurs d’une enseigne, mais sans que rien de concret ne soit entrepris derrière.


Greenwashing : les entreprises seront-elles toujours suspectes de mauvaise foi ?
Des exemples de greenwashing certes nombreux…
 
L’accusation de greenwashing est une antienne dès qu’une campagne de communication abonde dans le sens du respect de l’environnement ou des normes sociales. Est-il si difficile de croire qu’une entreprise puisse prendre de réels engagements sociaux et environnementaux ? A priori oui, car l’accusation de greenwashing est quasi systématique lorsqu’une campagne de communication surfe sur les thèmes environnementaux. Il est en effet difficile de concilier activités productrices et respect de l’environnement, car, par essence, l’activité industrielle est consommatrice de ressources et d’énergie : elle transforme des matières premières en produits finis et génère des déchets. Le lien avec l’écologie n’est pas évident de prime abord, et l’opposition risque de perdurer encore longtemps dans certains secteurs.
 
On imagine mal les entreprises du pétrole ou du nucléaire oser surfer sur les arguments écologistes pour communiquer, mais l’entreprise automobile n’a pas ce genre de scrupules, pas plus que le secteur de l’ameublement et de la décoration. Selon le bilan « Publicité & Environnement » 2012 de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et de l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), ce sont les deux secteurs qui contreviennent le plus à la législation en vigueur, sur le plan de « l’abus d’utilisation d’arguments écologiques ». Mais cela concerne bien d’autres secteurs, particulièrement dans les entreprises travaillant directement sur les ressources naturelles comme les exploitations forestières ou l’industrie papetière : les pays africains exportant massivement du bois sont peu regardants sur les pratiques des sociétés autorisées à exploiter ces ressources. L’industrie textile n’est pas épargnée, mais il ne s’agit pas tant des matériaux utilisés que des conditions de travail dans les pays où la confection est sous-traitée.
 
…Mais des dénonciations contreproductives à terme
 
Le dicton journalistique est connu : « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ». Du coup, par goût du scoop et du scandale, les dénonciations de greenwashing se multiplient à tort et à travers, sans attention particulière pour l’existence réelle ou supposée d’une véritable politique RSE au sein de l’entreprise. La profusion des blogs de « consultants spécialistes », à la légitimité sujette à caution, n’aide pas à l’objectivité du débat. Au moindre brin d’herbe figurant dans une publicité, après un quelconque engagement de respect des normes sociales ou environnementales, le couperet tombe rapidement, généralement sous la forme d’une simple question au début. Mais en communication, l’important n’est pas tant de dire la vérité que de répandre une idée, et pour cela, une simple question suffit.
 
Le côté répétitif des accusations de greenwashing risque de faire au moins deux victimes si cette tendance devait se poursuivre. Les premiers à en souffrir seraient les associations de consommateurs et les ONG elles-mêmes, selon le principe du « Cry-Wolf Syndrome » : à tout le temps dénoncer tout le monde, on finit par ne plus vous écouter, car la démarche n’est pas jugée objective mais idéologique. L’échec du sommet de Rio + 20 est déjà un coup suffisant rude porté à la cause environnementale pour ne pas en rajouter avec une radicalisation des dénonciations du monde de l’entreprise. La deuxième victime serait l’environnement, car si les entreprises s’engagent sincèrement dans des démarches éco-responsables c’est suivant le principe qu’ « Ethics pays ». Au-delà d’un engagement qui peut être tout à fait sincère et partagé au sein d’une entreprise, les choix RSE ont un impact sur le business model de la société : augmentation de la motivation, de la productivité, amélioration du bien-être des salariés ont d’heureuses conséquences sur le chiffre d’affaires. A force d’être dénoncé plus ou moins arbitrairement et donc de diminuer l’efficacité marginale de telles mesures, les entreprises risquent de finir par se désintéresser de la question. Alors que les problématiques RSE commencent à intéresser de plus en plus d’entreprises, il serait particulièrement préjudiciable de couper l’élan de toutes les personnes de bonne volonté.
 
Références :
« Flagrant délit de Greenwashing pour le WWF ? », Hygieconsulting.com, 25 juin 2012
« Greenwashing: des ONG dénoncent la nouvelle campagne H&M », Youphil.com, 03 avril 2013
« Greenwashing : l'ADEME dénonce les publicités à base d'arguments écologiques douteux », Caradisiac.com, 25 septembre 2009
« Le greenwashing dans la presse et sur Internet passé au crible », Bioaddict.fr, 26 mars 2012
« WWF : Le greenwashing continue chez APP », Actualités environnement.fr, 09 avril 2013