Carnets de l'Economie

Qui sont ces entrepreneurs philanthropes ?




La Rédaction
17/04/2013

L’entreprise perd petit à petit le monopole de la communication sur le thème de la RSE. Certains patrons en ont fait une question personnelle. Leurs convictions les poussent à s’engager et penser la RSE, ses enjeux et ses moyens d’action de façon différente.


La responsabilité sociale et environnementale fait recette parmi les firmes françaises. Après l’entreprise, ce sont les entrepreneurs qui deviennent eux-mêmes les portes-étendards de ces démarches. Ils sont en effet plus nombreux à se mettre en avant pour promouvoir leur engagement personnel. À l’heure où la loi économique régit une grande partie des interactions sociales, ces chefs d’entreprises se font les défenseurs d’un monde plus solidaires ; non sans avancer parfois des points de vue et des idées originales.

Moderniser la fonction patronale

Jean-Luc Placet est président-directeur général du cabinet de conseil en management IDRH depuis 1992. Rien ne prédestine ce chef d’entreprise, fort d’une brillante carrière, à s’intéresser aux questions de RSE. Et pourtant, en parallèle d’une fonction qui l’amène à travailler pour de nombreuses grandes entreprises françaises, Jean-Luc Placet anime une chronique sur le Huffington Post dans laquelle il est question de responsabilité sociale de l’entrepreneur. À travers ses chroniques, il dresse un tableau des plus intéressants des enjeux qui gravitent autour de l’engagement sociétal des chefs d’entreprises.
 
« Nous sommes dans une situation économique extrêmement difficile issue de mauvais calculs et de faux espoirs au moins depuis 30 ans », explique Jean-Luc Placet dans l’une de ses chroniques, « chacun doit participer à l’effort, chacun doit profiter des résultats ». Pour ce chef d’entreprise, la prise de responsabilité sociale par l’entrepreneur est une chose naturelle et même nécessaire en France aujourd’hui. Mais dans l’absence de proposition d’un nouveau « contrat social », le patron se doit d’intervenir de son propre chef à son niveau. « N’est-ce pas le moment justement de “remettre dans le jeu” le chef d’entreprise comme individu conscient, conscient de ses responsabilités et du devoir éthique, voir moral qui doit être le sien ? » s’interroge-t-il dans un second billet.
 
Tel que l’envisage Jean-Luc Placet, la responsabilité sociale du chef d’entreprise est « de se conformer à des règles qui facilite le collectif, qui permettent le partage et qui poussent à la générosité ». Bien que cette responsabilité apparaît comme une nécessité contemporaine à Jean-Luc Placet, il constate néanmoins que de nombreux blocages s’opposent encore au développement du rôle social et sociétal du patron. D’un côté, certains d’entre eux pensent qu’il ne s’agit pas là d’un « objectif premier » et que « cela les détourne de ce qu’il[s] [ont] vraiment à faire : le profit ». De l’autre, quelques associations et représentants syndicaux voient d’un mauvais œil le fait que les représentants du capital marchent sur leurs platebandes traditionnelles. N’y aurait-il donc aucune interface entre le monde du chef d’entreprise et celui des problèmes sociaux ?
 
Dans un contexte de crise économique et sociale, ce sont pourtant les convictions mêmes de certains entrepreneurs qui sont touchées. Pour expliquer leur ressenti, ces patrons font appel à leur attachement à l’État-providence, à la famille, à la solidarité, mais aussi bien sûr à l’emploi. Car en tant que chef d’entreprise, c’est évidemment grâce à la création d’emploi qu’ils envisagent instinctivement de jouer un rôle plus important dans l’intégration sociale. Mais pas seulement, car à côté de ce moyen naturel, d’autres initiatives se construisent en dehors des sentiers balisés.

Redéfinir les moyens d’action

Qui sont ces entrepreneurs philanthropes ?
Dans un article paru dans La Tribune, le Secrétaire général d’Optic 2ooo Yves Guénin en appelle lui aussi à une « entreprise citoyenne », impliquée dans la résolution des problèmes sociaux. Pour ce chef d’entreprise coopérative, « l’entreprise demeure aujourd’hui le dernier ciment social de notre monde » dans un contexte marqué par la crise de l’État-providence. Pour Yves Guénin, le concept de responsabilité sociale soulève l'enjeu de la solidarité de plus en plus absente de la société contemporaine. Or « les Français réclament de la solidarité » affirment-ils, « la question est de savoir comment la construire ». Pour Yves Guénin, le chef d’entreprise peut et doit être un agent de solidarité, car ses responsabilités lui en donnent les moyens. Citant l’exemple d’Optic 2ooo, de sa politique commerciale et de ses actions de soutien aux associations caritatives en France et à l’étranger, Yves Guénin conforte les initiatives de certains de ses pairs.
 
Pour d’autres patrons en effet, le mécénat s’est imposé comme une façon naturelle de soutenir des projets d’intérêt. Passionné d’art, le banquier d’affaire Bruno Roger, président de Lazard Frères, a engagé de l’argent, mais surtout du temps afin de démocratiser l’accès à la culture tout au long de sa carrière dans le monde de la finance. Bruno Roger est aujourd’hui président du festival d’Aix-en-Provence, vice-président des amis du Quai-Branly, vice-président et trésorier du musée des Arts décoratifs. Mécène, Bruno Roger se définit également comme un « militant culturel » au cours d’un entretien avec le Nouvel Economiste. Un profil qui fait écho à celui de Patrick Lafforgue, patron de Pacfa et grand amateur d’art contemporain. La RSE lui a donné l’occasion de concilier sa passion pour la peinture et la promotion de la culture en organisant une exposition de deux mois au marché d’intérêt général de Toulouse. D’octobre à décembre 2012, l’exposition Matières Grises de nombreux artistes ont ainsi été invités à créer des œuvres inédites sur ce site atypique et à les exposer. Fort de ce premier projet intégralement financé par Pacfa à hauteur de 50 000 euros, Patrick Laforgue entend désormais entretenir la dynamique initiée par Matières Grises pour créer une fondation d’entreprise réunissant d’autres mécènes.
 
Ce qui frappe à la découverte de ces initiatives, c’est finalement la façon dont ces chefs d’entreprise allient l’utile à l’agréable. En s’impliquant dans des projets qui les intéressent et qui se trouvent être en lien direct avec leur identité, l’engagement de ces patrons n’en est que plus authentique. Il permet également de mettre un visage sur l’entreprise. Mais les entrepreneurs ne sont pas dupes. Ils ont conscience que cette implication personnelle peut être une source de difficulté. Il est donc nécessaire d’y apposer un cadre. Yves Guénin d’Optic 2ooo pour sa part « plaide pour que soit rédigée une charte d’entreprise de la solidarité qui fixe les voies et moyens, les règles et les droits des actions solidaires des entreprises ».  Un avis partagé par Philippe de Gibon, PDG de Convers et Ambassadeur de la Charte de la Diversité, qui lui aussi croit à la nécessité de standardiser les pratiques : une charte permet « d’initier les signataires éventuels aux critères […] et d’évaluer leur entreprise » explique-t-il au cours d’une interview, « La charte n’est pas qu’une signature, c’est un engagement dans le temps et un axe de progrès social et sociétal ». Cette réflexion montre qu’en dépit d’une histoire encore jeune, la RSE est appréhendée avec une certaine maturité par les entrepreneurs qui ont le plus tôt pris les devants. L’intérêt de l’engagement est connu et remis en perspective dans le contexte actuel, mais les risques qui lui sont associés ne sont pas ignorés ce qui laisse présager d’une amélioration continue des pratiques.
 
Créations d’emploi, mais aussi donations et mécénat : nombreuses sont les façons pour les chefs d’entreprises de concevoir leur contribution sociale. Il est remarquable que certains d’entre eux appellent à standardiser la démarche, au moins en interne, par le biais de chartes ou de processus réguliers. C’est le signe que la RSE et ses actions s’enracinent progressivement dans les entreprises pour y devenir familières et presque anodines. Cela dénote aussi de l’expérience de ces chefs d’entreprises qui savent que des limites à leurs actions doivent être pensées en amont, car la moindre maladresse est susceptible d’être perçue comme une dérive. S’engager dans la RSE suppose de ne laisser aucune place à l’erreur. Mais, en temps de crise, cette sincérité et cette exigence particulière des patrons envers eux-mêmes, l’opinion publique sait aussi l’apprécier. Le jeu en vaut la chandelle !










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