Carnets de l'Economie

De l’habitat coopératif aux villages verticaux, une nouvelle conception du vivre-ensemble




Grégoire Moreau
16/05/2013

L’habitat coopératif compte à peine quelques dizaines de projets et de réalisations en France. Le plus emblématique de ces projets est pour l’instant un immeuble de Villeurbanne, près de Lyon, surnommé le « village vertical », et qui doit être livré dans les semaines qui viennent. Solution écologique, sociale mais surtout à la crise multiforme que nous traversons, le concept n’en est qu’à ses débuts mais l’initiative a des atouts de poids.


(source : village-vertical.org)
(source : village-vertical.org)
Comparée aux pays scandinaves ou à la Suisse, le France a plusieurs chantiers de retard. Dans ces pays, l’habitat coopératif représente entre 8 et 15% de la totalité du parce immobilier. Dans une ville comme Oslo, la proportion atteint 40% . Ce qui se passe à l’étranger n’est pas toujours transposable, mais on imagine mal comment cette idée ne pourra pas fonctionner chez nous. L’habitat coopératif est une nouvelle façon de concevoir, construire, gérer et entretenir le patrimoine immobilier.

D’un point de vue juridico-financier, il s’agit d’un système intermédiaire par rapport au diptyque traditionnel locataire-propriétaire. En effet les habitants d’un habitat coopératif sont en réalité actionnaire (ils disposent de parts) au sein d’une société propriétaire du foncier, terrain et immeuble, en coopération avec l’association Habicoop . Dans l’idéal, les occupants sont actionnaires de la totalité de la société. Ils sont donc collectivement propriétaires de l’ensemble de l’immeuble, et versent un loyer proportionnel à la surface du logement. Orienté vers une conception sociale du logement, ce système neutralise toute tentative de spéculation, car lors de la cession du bien, « l’actionnaire » cède simplement ses parts dont le prix est fixé par les statuts de l’association, de la société civile immobilière, ou de toute autre forme juridique que peut prendre ce collectif de propriétaires. Depuis 1971, la loi ne reconnait plus le statut d’habitat coopératif, mais ce manque risque d’être rapidement comblé, car un projet de loi est en cours de rédaction sur une initiative du Ministère de l’égalité des territoires et du logement. Le communiqué de presse du Ministère évoque avec justesse les caractéristiques essentielles de cette forme d’habitat : « la non spéculation, la solidarité, la mixité sociale, l’habitat sain et écologique, la mutualisation d’espaces et de ressources ».

D’un point de vue technique et qualitatif, l’habitat coopératif peut être assimilé à un bâtiment Haute Qualité Environnementale (HQE), mais s’il  est plus volontiers question de Bâtiment Basse Consommation. Les projets de Le Corbusier, que l’on peut considérer comme un précurseur  français de la conception d’habitat coopératif, visaient essentiellement une nouvelle organisation des rapports sociaux suivant le concept « d’unité d’habitation ». La construction des bâtiments fait appel architecturalement au nombre d’or et à la suite de Fibonacci pour l’établissement des proportions, mais sans réelle considération environnementale, au sens technique du terme. Bien que les quatre avatars de la cité Radieuse en France soient classés au patrimoine des monuments historiques depuis 2001, ils sont considérés par beaucoup comme des verrues de bêton digne des barres HLM des années 1950 et 1960. Rien de tel sur les projets en cours : il s’agit d’habitats de taille intermédiaire, inférieure généralement à cinq étages et comptant seulement quelques dizaines de logements. Les façades font appel au bois et aux éco-matériaux et suivent une architecture bioclimatique. Le chauffage passe par une centrale à bois plus écologique, aidée dans la production d’eau chaude et d’électricité par des panneaux photovoltaïques sur le toit. La laverie intégrée aux locaux communs utilise des eaux pluviales et aucun appartement ne dispose de baignoire, par souci d’économie d’eau . Le collectif d’habitant s’est battu contre certaines normes en vigueur pour imposer ses vues ; il a ainsi réussi à réduire le nombre de place de parking au bénéfice des espaces verts sur le terrain de la construction. Peu au fait des normes d’urbanisme et de construction, le groupe s’est progressivement formé sur ces questions, pour devenir rapidement un interlocuteur crédible des pouvoirs publics, des architectes et des spécialistes en construction, surpris de devoir composer avec ces acteurs décidés et résolus à faire valoir la conception originale de leur futur habitat.

C’est peut-être là qu’est la véritable petite révolution de ce type d’habitat : l’implication des habitants-actionnaires-propriétaires-locataires. Selon le principe de « une personne égale une voix », l’habitat coopératif fonctionne selon un mode démocratique . Les décisions sont prises en communauté, dans un espace explicitement conçu pour privilégier le vivre-ensemble : parties communes importantes et locaux collectifs multiples (salle de réception, terrasses, chambres de passage, …). Tout est fait pour faciliter le lien social qui peut se créer entre habitants de la même résidence, des habitants responsables collectivement de leur habitat. C’est ici la deuxième petite révolution : le retour de l’éco-citoyen aux responsabilités, loin de l’archétype de l’acheteur-consommateur. Et c’est ce qu’est venue chercher une partie des futurs occupants : une autre conception des rapports de voisinage, fondée sur l’entraide, l’écoute, le partage, la solidarité et la responsabilité collective. Ils sont probablement les précurseurs de toute une société qui aspire à vivre autrement . Il ne serait dès lors pas surprenant de constater que de telles initiatives connaissent un succès grandissant.










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