Carnets de l'Economie

Les métiers de l’optique à l’épreuve des mutations




La Rédaction
31/07/2017

Industriels et opticiens redoublent d’efforts pour offrir aux patients, dans un contexte économique, technique et réglementaire globalement compliqué pour les ménages, des produits plus performants et des offres permettant un accès aux soins pour tous. Tour d’horizon des stratégies et méthodes du secteur pour passer outre les difficultés.


Faciliter l’accès aux soins
 
Faute de moyens, les Français sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins. Cette réalité est d’autant plus vraie dans le domaine de l’optique où les montures et les verres constituent un coût important pour le budget des ménages.
 
Récemment, la proposition de la Cour de Compte de plafonner les remboursements des frais optiques (1) dans le but de réduire les déficits de la Sécurité sociale a été vivement critiquée par les opticiens. Certaines enseignes, au-delà des offres marketing, conscientes de leurs responsabilités proposent des offres permettant même aux plus modestes de s’équiper de lunettes de vue. Optic 2000, portée par les valeurs coopératives à l’origine de sa création, avait déjà en 1988 bousculé le marché en lançant le principe « 2 paires pour le prix d’une ». Plus récemment, l’enseigne a tissé des partenariats spécifiques avec des complémentaires santé afin de réduire les coûts d’équipement sans remettre en cause la qualité des verres et des montures.
 
Optic 2000 n’est pas la seule enseigne à s’impliquer pour faciliter l’accès à une correction visuelle. D’autres opticiens ont également investi pour faciliter l’accès à la correction visuelle. C’est le cas du lunetier Atol qui a lancé, en décembre 2016, avec l’appui de  Natixis Intertitres, spécialiste des solutions prépayées la carte O’Regard. D’une valeur comprise entre 50 et 161€, cette dernière permettra aux entreprises locales intéressées de financer une correction visuelle, pour le compte de leurs salariés. Par cette innovation, possible grâce à un système d’exonération fiscale, l’entreprise coopérative « souhaite faciliter l’accès à des équipements optiques de qualité et adaptés aux besoins de chacun (2) », explique Eric Plat, PDG de l’enseigne.
 
Face aux mutations numériques, les opticiens se sont appropriés le web-to-store
 
Au-delà d’une tendance au désengagement de la Sécurité sociale, d’autres évolutions, comme l’autorisation de la vente de lunettes et de lentilles sur internet, modifient le monde de l’optique. En vigueur depuis 2009, cette possibilité reste marginale (1% de parts de marché, sans progression notable), « mais elle n’en constitue pas moins une menace pour les opticiens, surtout depuis que la loi « Hamon » favorise le développement des sites de vente en ligne d’équipements optiques (3) ». Pourtant, les opticiens n’ont jamais considéré qu’il fallait opposer internet et leurs magasins « physiques » : ils ont cherché, au contraire, à utiliser leurs complémentarités. Cette stratégie appelée « web-to-store » repose sur le constat que le client commence ses recherches sur internet pour ensuite finaliser ses achats en magasin.
 
Et « dans le secteur de l’optique, la complémentarité Internet/magasin est une évidence (4) », aime à rappeler Michel Dailly, directeur marketing d’Optic 2000. L’efficacité de cette stratégie se mesure, entre autres, à la fonctionnalité du site internet permettant d’attirer le potentiel client dans l’un de ses magasins. Par exemple, le module « visagisme » disponible sur les sites internet des grandes chaines d’opticiens permettent de préparer directement ses achats en ligne. L’essayage virtuel, grâce à la webcam, offre au consommateur la possibilité de tester des lunettes en fonction de ses goûts (qu’il aura préalablement indiqués) et des résultats issus d’une rapide enquête permettant de déterminer son mode de vie. Une fois la monture sélectionnée, le client pourra la réserver en cliquant sur un lien et se déplacer ensuite en magasin pour finaliser son achat. En pointe sur ces questions, notamment du fait de l’intégration des nouvelles technologies à son dernier concept magasin, Optic 2000 a reçu en 2015 le Janus du commerce par l’Institut Français du design.
 
L’innovation technique au service des patients
 
L’amélioration des techniques est autant une nécessité médicale qu’une opportunité commerciale dans le secteur de l’optique. Et repousser les limites de la correction visuelle est un défi bien connu du numéro un mondial de l’optique ophtalmique Essilor qui a récemment grâce à son laboratoire SL Lab (Special Lenses Laboratory) battu deux nouveaux records. En avril 2016, Essilor a créé pour un patient slovaque atteint d’une myopie sévère évolutive et d’un kératocône (déformation de la cornée) des verres minéraux 1,8 Superdiafal biconcave à facette asymétrique de -108 dioptries. Selon la direction du laboratoire, « la réalisation de ces verres a été rendue possible grâce à l’utilisation de calculateur CVS développé spécifiquement pour répondre aux besoins de conception et de fabrication des verres spéciaux. Un outil de taillage a également été spécialement développé pour réaliser manuelle ébauchage, doucissage et polissage de la zone optique (5) ». Petit détail de la fabrication : pour absorber les reflets crées par les lumières qui se reflètent sur l’intérieur du verre et améliorer le confort de port en situations de faibles conditions lumineuses avec éclairage artificiel, les ingénieurs ont dépoli la facette convexe des verres.
 
Plus récemment encore, début 2017, le même laboratoire a réussi une expérience encore jamais réalisée. Le verrier français a confectionné des verres dotés d’un prisme de 35 dioptries pour tenter de diminuer la vision double d’un patient tchèque victime d’un accident de voiture. D’après le responsable du SL Lab d’Essilor, Marc Stephan, « ce verre est le résultat de nombreux test, prototypes et nouveaux processus mis en place pour repousser les limites du possible en optique ophtalmique (6) ». « Avec ce verre, ma vision s’est améliorée d’environ 95% […] je suis enfin libéré de 4 ans de difficulté et de handicap », confie se nouveau porteur de lunette à la déficience visuelle inopérable.
 
D’autres exemples peuvent encore être relevés : désormais certaines lunettes peuvent corriger le daltonisme ou encore maintenir un conducteur éveillé lorsqu’il risque de s’endormir au volant. L’imagination et le progrès ne semble pas encore avoir atteint leurs limites pour ce produit vieux de près de 400 ans. Poussé par un contexte réglementaire changeant et une population vieillissante, nul doute que l’ensemble des acteurs de la filière va poursuivre ses efforts pour l’amélioration de la santé visuelle de tous.
  
  1. http://www.acuite.fr/actualite/profession/98922/regulation-des-depenses-doptique-la-cour-des-comptes-dresse-son-bilan
  2. http://www.opticien-presse.fr/2016/10/11/atol-natixis-lancent-carte-prepayee-lachat-de-lunettes/
  3. http://www.acuite.fr/actualite/profession/89810/essilor-record-battu-avec-108-dioptries
  4. http://www.lsa-conso.fr/avec-step-in-optic-2000-poursuit-sa-digitalisation,218370
  5. http://www.acuite.fr/actualite/profession/111605/verres-speciaux-essilor-bat-un-nouveau-record
  6. http://www.acuite.fr/actualite/profession/111605/verres-speciaux-essilor-bat-un-nouveau-record
  7. http://www.acuite.fr/actualite/pub-com/108085/la-lumiere-bleue-et-lopticien-de-sante-stars-de-la-derniere-campagne-atol
  8. http://www.lsa-conso.fr/avec-step-in-optic-2000-poursuit-sa-digitalisation,218370