Carnets de l'Economie

Jean-Michel Germa : cours magistral d’écolonomie




La Rédaction
16/10/2013

Jean-Michel Germa s’illustre sur le front de l’écologie comme sur le terrain entrepreneurial. Fondateur de la Compagnie du Vent, leader français de l’énergie éolienne, il incarne depuis près de trente ans une vision alternative du business.


Un homme engagé.

Jean-Michel Germa, fondateur de la Compagnie du Vent
Jean-Michel Germa, fondateur de la Compagnie du Vent
Ingénieur et docteur en physique, expert en aérodynamique et mécanique des fluides, Jean-Michel Germa scrute l’atmosphère depuis quelques décennies, ayant pour ligne d’horizon notre avenir énergétique. Si son père, géologue pour une compagnie pétrolière, s’inquiétait de la future pénurie en or noir, Jean-Michel Germa est pour sa part très tôt convaincu du pouvoir du vent. D’un tempérament militant, il a à cœur d’apporter « une contribution technologique utile, capable d’améliorer la vie des hommes ».

De l’avant garde…

C’est avec la volonté de développer quelque chose de nouveau que le scientifique remise sa blouse pour retrousser ses manches de bâtisseur. De la Californie, où les éoliennes tournent à plein régime, il ramène la conviction d’une énergie à faible empreinte écologique et potentiellement créatrice de richesses pour la collectivité. Un projet un peu fou, à l’époque du développement du nucléaire, mais qui a su s’attirer les bonnes grâces d’une conjoncture où préoccupations environnementales et énergétiques se télescopent. L’entrepreneur met ainsi en avant les nombreux coûts externes liés à la production d’énergies fossiles ou nucléaires tels que la dépollution ou le retraitement des déchets. Cette démarche permet alors de placer l’éolien en tête des énergies les moins coûteuses. Une bonne nouvelle tant pour les utilisateurs qui, in fine, en supportent le prix.

…A la success story

A force d’arguments et de persévérance, un vent de réussite a fini par souffler sur ses convictions jusqu’à faire de la Compagnie du Vent, en moins de deux décennies, le leader français dans le domaine des énergies renouvelables. En 1991, soutenue par l’Union européenne et l’Agence de l’Environnement, l’entreprise implante ses premières éoliennes sur le sol français. C’est dans l’Aude, à Port-la-Nouvelle, que la révolution du vent hisse ses pales avant de conquérir le Maroc en 2000, où le premier parc éolien d’Afrique est construit à Koudia al-Baida. Depuis, la Compagnie du Vent a mis en service dix-sept parcs éoliens en France et a installé le premier parc éolien au monde directement raccordé à une cimenterie, à Tétouan sur le sol marocain. Ce processus innovant a d’ailleurs été reconnu au titre du Mécanisme de Développement Propre par le protocole de Kyoto.

Face aux critiques assénées envers ses éoliennes protégées, Jean-Michel Germa remarque que les attaques portent finalement davantage sur la forme que sur le fond. Une éolienne de 3 gigawatts ferait, selon le scientifique, moins de bruit qu’une machine à laver et produirait de l’énergie pour une ville de 3000 à 6000 personnes. Pragmatique, il ajoute aussi qu’un tel modèle « n’a pas vocation à s’appliquer partout ». Tous les territoires n’ont en effet pas la capacité de produire leur énergie grâce à l’éolien mais c’est une énergie qui a sa place dans notre société.

Heurs et malheurs de l’éolienne

Si les débuts ont été rudes pour Jean-Michel Germa qui peinait à convaincre les banquiers et investisseurs dubitatifs quant à la pérennité du marché de l’éolien, le pari semble aujourd’hui réussi : « ils apprécient les marges opérationnelles des parcs éoliens, qui sont bien plus facile à prédire que celles des énergies concurrentes dont les revenus dépendent de nombreux facteurs difficilement contrôlable par eux, telle que l’évolution du prix des énergies fossiles, dont on sait que leur coût ne peut qu’augmenter à moyen long terme, même si à court terme des fluctuations à la baisse sont observées », explique-t-il.
 
Pour autant, Jean-Michel Germa s’alarme aujourd’hui des risques qui pèsent sur le financement de la transition énergétique. Dans un récent communiqué, l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union Européenne qualifiait « d’aide d’Etat » les modalités de rachat de l’électricité produite. Une situation qui pousse aujourd’hui le fondateur de la Compagnie du Vent à ressortir son bâton de maréchal en faveur des greentech : l’engagement des pouvoirs publics « à l’égard des énergies renouvelables me paraît encore beaucoup trop timide aujourd’hui, vu leur immense intérêt économique et social pour la collectivité », affirme-t-il, tandis que le gouvernement devrait… présenter un projet de loi sur la transition énergétique à l’automne. L’arrêt de la CJUE devrait être rendu, pour sa part, en novembre 2013. Il déterminera, « de la jungle du marché ou de l’avenir énergétique, lequel des deux l’emportera », s’inquiète Jean-Michel Germa.

Face aux vents contraires, transmettre le courage d’entreprendre.

Si l’engagement de Jean-Michel Germa prend racine dans l’écologie, il s’étend aujourd’hui au-delà des frontières de l’entreprise qu’il a fondée. En effet, quel plus grand sentiment de satisfaction pour un businessman accompli que de mettre son expérience et son tempérament au profit de l’entrepreneuriat ? Celui qui déclare être  « devenu entrepreneur par nécessité » lorgne volontiers vers l’Allemagne qui dispose, à ses yeux, d’un écosystème fécond et protecteur en faveur des PME. « Depuis 1965 en Allemagne, explique Jean-Michel Germa, une loi protège les actionnaires minoritaires des PME contre les décisions que pourraient prendre les grands groupes les contrôlant et qui leur seraient préjudiciables. D’autre part, depuis 1948, l’Allemagne possède une banque publique d’investissement, la KfW, qui investit dans les entreprises, mais en dette contrairement à la Caisse des Dépôts française. Enfin, le code des sociétés allemand impose la cogestion qui permet le vote des représentants des salariés dans le conseil d’administration des entreprises. » 

Ce modèle allemand, il s’en inspire pour expliquer la faiblesse du tissu français d’ETI : il s’agit pour lui d’un statut auquel nos PME les plus en pointe peinent à prétendre, en raison des multiples pressions concurrentielles des grands groupes. Une situation confirmée par le sénateur Bruno Retailleau, dans un récent rapport : « les grands groupes français, qui veillent à ne pas avoir de concurrence forte, absorbent de manière intense les PME ». Jean-Michel Germa n’eut donc aucun mal à entraîner quelques parlementaires dans son sillage pour réclamer une loi encadrant mieux les relations contractuelles et les liens capitalistiques entre PME et grands groupes.  Et sachant l’opiniâtreté du personnage… Le paysage économique français pourrait bientôt « rompre avec le capitalisme du plus fort »   !















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