Carnets de l'Economie

Petit colis en provenance de Chine : l’Union européenne redéfinit les règles du jeu




Anton Kunin
21/05/2025

Bruxelles vient de lever le voile sur une réforme majeure de sa politique douanière : celle-ci prévoit l’instauration d’un prélèvement de deux euros sur chaque petit colis importé directement dans l’Union. Une réponse ciblée à un phénomène devenu massif, notamment depuis la montée en puissance de géants asiatiques de la vente en ligne. Et derrière cette annonce, un parfum de revanche réglementaire plane.


Taxe sur les petits colis : l'Union européenne évoque « une compensation nécessaire »

C’est un raz-de-marée quotidien : plus de 4,6 milliards de petits colis, souvent d’une valeur inférieure à 150 euros, ont franchi les frontières européennes en 2024, dont 91% originaires de Chine. En réaction, la Commission européenne propose d’abolir leur exonération douanière et d’instaurer une taxe uniforme de deux euros par envoi.

Une mesure qui ciblera notamment les colis expédiés directement aux particuliers depuis l’extérieur de l’Union. « Il ne s’agit pas d’une taxe au sens fiscal du terme, mais d’une compensation nécessaire », a fait valoir Maros Sefcovic, commissaire européen au Commerce, en précisant que les plateformes devront supporter ce coût. Les entrepôts européens bénéficieront d’un traitement plus souple : les colis qui y transitent avant livraison seront soumis à une redevance de 50 centimes seulement. Bruxelles espère ainsi freiner les flux directs et renforcer le contrôle qualité en amont.

 

Taxation des colis en provenance de Chine : la France en première ligne, l’Europe suit

La France a longtemps tenté d’imposer unilatéralement une redevance similaire, mais le droit communautaire a bridé ses velléités. Le projet européen entérine donc une volonté française exprimée dès avril 2025 : faire payer les plateformes de e-commerce non européennes pour chaque paquet envoyé sur le territoire. L’enjeu est loin d’être symbolique. En 2024, plus de 800 millions de petits colis ont été distribués en France via des canaux transfrontaliers. Des mastodontes comme Temu ou Shein sont au cœur de ce système, accusés à répétition de contourner les règles européennes.

Une mesure défensive pour un marché sous tension

L’Union européenne ne cache plus son exaspération face aux pratiques de certains acteurs étrangers : sous-étiquetage, produits non conformes, concurrence jugée déloyale. Maros Sefcovic a lui-même pointé un « défi inédit pour la sécurité, la traçabilité et le respect des normes ».

Ce prélèvement s’inscrit dans une logique double : soulager les douanes européennes, débordées, et empêcher le dumping réglementaire. Il s’agit aussi de réaffirmer la capacité de l’Europe à imposer ses standards, alors que les plateformes ciblées cumulent des centaines de millions d’utilisateurs à travers le continent. Dans le viseur : le modèle d’expédition directe, ou « de minimis », qui permet à des produits bas de gamme de circuler sans barrière ni contrôle rigoureux. Un modèle que Bruxelles veut faire vaciller.

Vers une normalisation réglementaire du commerce électronique

Au-delà de l’effet d’annonce, ce projet pourrait marquer un tournant structurel : la fin d’une ère d’impunité logistique pour les colis importés à faible coût. D’autant que le Parlement européen et le Conseil devront encore examiner cette proposition. Si le texte est adopté, son application pourrait intervenir dès 2026. Reste à voir si la pression européenne suffira à faire plier les plateformes concernées. Temu et Shein, bien que silencieuses à ce stade, devront sans doute ajuster leurs modèles économiques si elles veulent maintenir leur implantation massive dans les États membres.










Décideurs

Antonio Filosa, l’Italien discret devenu patron de Stellantis

Bénéfice par salarié : quelles entreprises remportent la palme ?

Récession : le FMI révise ses perspectives mondiales sans activer l’alerte rouge

La situation de X : une plateforme au bord du gouffre financier








Découverte & Lifestyle


L'actu de la RSE