Carnets de l'Economie

Patrimoine des ménages : les richesses sont toujours plus concentrés en 2024




Anton Kunin
10/12/2025

En 2024, le patrimoine des ménages français poursuit sa progression, mais à un rythme ralenti. Derrière les chiffres globaux en apparence rassurants, la photographie que vient de dévoiler l’INSEE révèle une concentration toujours plus marquée des richesses, un rôle central de l’immobilier et des écarts de plus en plus profonds entre les ménages les mieux dotés et le reste de la population.


Le patrimoine des ménages toujours dominé par l’immobilier

Au 31 décembre 2024, le patrimoine des ménages atteint 14.953 milliards d’euros, selon les données publiées par l’INSEE et la Banque de France. Cette masse colossale représente à elle seule 76,5% du patrimoine économique national. Pourtant, derrière ce total impressionnant, les dynamiques internes sont loin d’être homogènes. Entre maintien de l’immobilier comme pilier central, diffusion massive des produits financiers et concentration extrême chez les ménages les plus riches, l’année 2024 dessine des équilibres fragiles pour les ménages français.

En 2024, le patrimoine des ménages reste, avant tout, un patrimoine de pierre. D'après l'INSEE, 61,2% des ménages possèdent au moins un bien immobilier au début de l’année. Ce socle immobilier continue donc de structurer l’accumulation de richesses. En même temps, 90,5% des ménages détiennent au moins un produit financier. Ce double ancrage révèle un modèle patrimonial hybride, dans lequel la résidence principale demeure l’actif central, tandis que l’épargne financière complète et sécurise le patrimoine dans un contexte économique plus incertain. Ainsi, à la croisée de l’immobilier et des marchés financiers, les ménages arbitrent de plus en plus entre sécurité et recherche de rendement.

Cependant, cette généralisation des actifs ne signifie pas une répartition équilibrée. Pour la moitié des ménages, ceux situés entre le quatrième et le neuvième décile, l’INSEE indique que l’immobilier, et en particulier la résidence principale, représente l’essentiel du patrimoine. Cette dépendance forte à la valorisation du logement expose ces ménages aux variations du marché immobilier, dans un contexte de remontée des taux, de ralentissement des transactions et de pression sur le pouvoir d’achat. Ainsi, tandis que les ménages les mieux dotés diversifient leurs actifs, une large partie de la population reste massivement exposée à un seul type d’actif.

Dans le même temps, la dette demeure un élément structurant du modèle patrimonial. En 2024, 46,5% des ménages ont encore un emprunt en cours, le plus souvent immobilier. Cette proportion élevée montre que l’accès à la propriété reste largement conditionné par un endettement long. Or, cet endettement pèse mécaniquement sur le patrimoine net et fragilise les équilibres financiers des ménages en période de taux élevés. Ainsi, même lorsque le patrimoine brut progresse, la dette vient freiner la capacité réelle d’enrichissement pour une large partie des ménages.

Patrimoine : une concentration extrême chez les riches

Si la valeur globale du patrimoine progresse, sa répartition reste l’un des marqueurs les plus préoccupants de l’année 2024. La médiane du patrimoine brut s’élève à 205.000 euros. Autrement dit, la moitié des ménages possède moins de ce montant. En bas de l’échelle, les 30% des ménages les moins dotés disposent de moins de 40.000 euros de patrimoine brut. Ces écarts illustrent, de manière très concrète, la fracture patrimoniale qui structure désormais la société française.

À l’autre extrémité, la situation est radicalement différente. Les 10% des ménages les mieux dotés concentrent près de la moitié de la masse totale du patrimoine brut. Cette ultra-concentration traduit un phénomène durable. Les ménages les plus riches bénéficient d’un effet cumulatif, fondé à la fois sur la possession d’actifs immobiliers de grande valeur, de portefeuilles financiers diversifiés et, souvent, d’un patrimoine professionnel. En 2024, 15,3% des ménages détiennent d’ailleurs ce type de patrimoine professionnel, qui joue un rôle décisif dans l’accumulation à long terme.

Cette concentration alimente mécaniquement les inégalités de niveau de vie. En effet, contrairement au revenu, le patrimoine produit lui-même du revenu, sous forme de loyers, de dividendes ou de plus-values. Ainsi, les ménages les mieux dotés voient leur richesse s’auto-renforcer au fil des cycles économiques. À l’inverse, les ménages modestes, largement exclus des actifs les plus rémunérateurs, subissent de plein fouet les hausses de prix, les taux d’intérêt élevés et les contraintes de financement. Le patrimoine devient ainsi un puissant facteur de reproduction sociale entre générations.

De plus, la structure même du patrimoine accentue ces déséquilibres. Les ménages aisés disposent d’un patrimoine largement diversifié, réparti entre immobilier haut de gamme, produits financiers risqués, assurances-vie, actions et participations professionnelles. Les ménages modestes, eux, concentrent leur richesse sur un logement souvent acquis à crédit, ce qui limite fortement leur capacité d’arbitrage en cas de choc économique. Ainsi, derrière la stabilité apparente des chiffres globaux, 2024 confirme un approfondissement des fractures patrimoniales.

Une progression du patrimoine en 2024 en trompe-l’œil

À première vue, l’année 2024 pourrait être perçue comme rassurante. La valeur globale du patrimoine des ménages progresse de 0,7% sur l’année, après une hausse de 0,6% en 2023. Cette croissance, bien que positive, reste modérée. Elle traduit un ralentissement structurel après les années de forte inflation des prix de l’immobilier observées après la crise sanitaire. Ainsi, le patrimoine continue d’augmenter, mais moins rapidement, dans un environnement économique plus contraint.

Cette évolution masque, en réalité, de fortes disparités. La hausse globale est essentiellement tirée par la valorisation des actifs détenus par les ménages les plus riches. Ces derniers bénéficient d’une exposition accrue aux marchés financiers et à l’immobilier de grande valeur, deux segments qui ont mieux résisté en 2024. À l’inverse, pour une large partie des ménages, la stagnation, voire la contraction du patrimoine net, devient une réalité, sous l’effet cumulé de l’endettement, de la hausse des charges et du ralentissement de la valorisation immobilière.

En parallèle, la structure même de la détention patrimoniale évolue lentement. Si la quasi-totalité des ménages détient désormais un produit financier, cette généralisation ne s’accompagne pas d’une montée en gamme. L’épargne reste très majoritairement concentrée sur des supports peu risqués, souvent faiblement rémunérés. Dans ce contexte, le patrimoine financier joue davantage un rôle de matelas de sécurité que de véritable levier d’enrichissement. Cette situation limite les perspectives d’ascension patrimoniale pour les classes moyennes et populaires.

Enfin, l’année 2024 confirme le poids déterminant du contexte macroéconomique dans l’évolution du patrimoine. Le resserrement monétaire, la stabilité relative de l’inflation et le ralentissement de l’activité immobilière redessinent progressivement les équilibres. Dans ce nouvel environnement, les ménages les plus solides financièrement disposent encore de marges de manœuvre. Les autres, en revanche, voient leur patrimoine devenir un point de fragilité plutôt qu’un rempart.










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