Carnets de l'Economie

Florian Grill, président de CoSpirit: pourquoi «il faut casser les silos» en communication locale




La Rédaction
31/01/2018

La communication locale est une boîte à outils performante qui a su s’adapter aux usages du XXIème siècle, et notamment aux besoins spécifiques des enseignes à réseau. C'est ce que nous explique en détail Florian Grill, le patron de la première agence française indépendante.


Le retail est-il toujours le plus gros consommateur de communication locale, ou tous les annonceurs y ont-ils recours désormais, dans des proportions similaires ?

Les annonceurs consacrent 1/3 de leur budget au local. Et cela ne concerne pas que le retail bien sûr. Prenons l’exemple de l’automobile, de la banque etc… C’est un segment négligé par les BIG 6 (Havas, Publicis, Omnicom, WPP, Interpublic et Dentsu) car le local n’est pas leur ADN. Les investissements locaux sont peu recommandés par ces grosses agences media parce qu’ils ne sont pas assez rentables pour elles. Pourtant ils sont efficaces pour les clients.

Comment définissez-vous le « périmètre optimal » d’une action de communication locale, et jusqu’où poussez-vous le ciblage ? 

En amont de toute action de communication locale, il y a un travail de géo marketing pour définir la zone de communication optimale. C’est le critère de ciblage principal. Cela garantit de ne sélectionner que les supports les plus efficaces pour couvrir la zone de chalandise, tout en limitant la déperdition. Bien évidemment, entre 2 supports couvrant bien la zone, nous choisirons le plus puissant ou celui le plus en affinité avec la cible !

Face au digital, comment les supports dits « traditionnels », comme le prospectus ou l’affichage longue conservation, tirent-ils encore leur épingle du jeu ?

En la matière il faut faire preuve de pragmatisme et de bon sens. Le prospectus génère encore un fort trafic dans les points de vente. Idem pour l’affichage Longue Conservation qui guide les automobilistes vers les points de vente. Ceci dit notre rôle est d’accompagner la transformation digitale des magasins. Nous le faisons en réfléchissant sans silo et avec une vision globale on et off en alliant les synergies. On peut par exemple sur-presser du e-catalogue sur des zones où la distribution physique a connu des problèmes de qualité. Waze est un excellent complément à la LC en se rappelant qu’il y a environ 4 fois plus d’automobilistes que de Wazers actifs. La vraie logique est de penser global.

L’utilisation de la data géolocalisée est-elle désormais ancrée dans les réflexes des annonceurs ?

Oui bien sûr. La data des clients est la première source d’enseignements pour les enseignes, notamment quand elles disposent d’un programme de fidélité. Mais nous n’hésitons pas à utiliser de la data provenant d’autres sources. Nous nouons des partenariats pour nos clients avec des acteurs comme TEEMO ou WAZE pour accéder à des données utiles à nos travaux de géomarketing.

Existe-t-il une « saisonnalité » en communication locale ? Les attentes des annonceurs varient forcément en fonction des périodes de l’année…
 
Oui bien sûr et notamment du fait des transhumances estivales avec des trafics qu’il convient de capter. Mais ce qui rythme le plus la saisonnalité de la communication locale ce sont les « moments de vie » des magasins : ouverture, réouverture, guerilla marketing local pour contrer un concurrent etc..

La PQR, à l’instar des media locaux dans leur ensemble, est réputée avoir un pouvoir de « prescription » élevé auprès de son lectorat. Comment l’expliquez-vous, et comment vous adaptez-vous au grand retour de « l’hyper-proximité » en marketing ?

La PQR reste un media institutionnel local incontournable. Nous continuons à la recommander mais complétons avec des solutions digitales qui permettent de toucher une cible large que nous adressons avec des investissements en programmatique pour augmenter le reach.

Comment mesurer la performance et, éventuellement le ROI d’une campagne de communication locale ?

Le trafic en magasin et la satisfaction du directeur de magasin sont nos meilleurs indicateurs.
Mais, avec le développement de la data géolocalisée, les solutions de tracking vont devenir de plus en plus pointues et nous pourrons enfin mesurer l’impact de nos campagnes tant en digital que sur les media plus traditionnels.

Vous prônez une approche transversale de la communication locale, par opposition aux pratiques d’un secteur encore largement organisé en silos. Quels bénéfices les annonceurs peuvent-ils en retirer ?

Le client n’est pas siloté. Il va alternativement dans le magasin physique et sur le site e-commerce. Il se renseigne autant sur internet que dans le point de vente. Nous n’avons de cesse d’étudier les parcours d’achat qui sont bien sûr totalement omni-canaux. Dans ce cadre penser en silo serait une hérésie.

La communication locale est un métier qui mobilise donc des outils et des compétences très variés. Comment CoSpirit et ses annonceurs gèrent-ils cette complexité au quotidien, aussi bien sur le plan technique qu’humain ?

Un chiffre pour situer la complexité du local : il y a 8500 réseaux d’affichage temporaire locaux et cette complexité existe pour tous les media et je ne parle même pas du digital local. Le conseil media local doit se faire magasin par magasin car chaque magasin est un cas particulier. Pour un client comme Carrefour nous gérons près de 1000 plans media locaux par an. Bref le seul moyen de gérer du local est d’industrialiser les process. Nous avons une équipe de développeurs qui créent nos propres outils digitaux pour gérer cette complexité. Par ailleurs il faut savoir aller sur le terrain. Nous disposons pour cela d’un réseau de 230 inspecteurs pour mener des enquêtes locales mais aussi d’un réseau de 10 000 mobinautes. Enfin nous avons un pôle conseil magasin de 20 personnes qui interagissent au quotidien avec les magasins en s’appuyant sur nos outils digitaux. C’est une organisation quasi industrielle bien éloignée de l’ADN des Big 6.














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