Récession : le FMI révise ses perspectives mondiales sans activer l’alerte rouge



François Lapierre
18/04/2025

Lors de ses Réunions de printemps organisées le 17 avril 2025 à Washington, le Fonds monétaire international (FMI) a publié une actualisation de ses projections économiques. Dans un contexte de fragmentation commerciale croissante, l’institution revoit à la baisse ses estimations de croissance mondiale, sans pour autant activer de scénario de récession. Une approche de prudence raisonnée, qui s’accompagne de recommandations fortes à destination des États et des acteurs économiques.


Croissance mondiale : un ajustement à la baisse, mais pas de récession

Le FMI confirme que la dynamique de l’économie mondiale connaît un ralentissement significatif, alimenté par les tensions commerciales accrues, notamment entre les États-Unis et la Chine. Malgré cela, Kristalina Georgieva, directrice générale de l’institution, indique que la conjoncture actuelle ne justifie pas l’usage du terme "récession". « Nos nouvelles projections de croissance seront nettement révisées à la baisse, mais nous n’y parlerons pas de récession », a-t-elle précisé lors de son discours d’ouverture.

Les perspectives de croissance globale devraient être abaissées d’environ 0,7 point de pourcentage pour l’exercice 2025, selon les projections internes citées par plusieurs médias économiques. Dans le même temps, une hausse modérée de l’inflation est attendue dans plusieurs zones monétaires, en lien avec la hausse des coûts d’importation.
 

Tensions commerciales : une pression structurelle sur les flux mondiaux

Le durcissement des politiques douanières, en particulier la montée en puissance des droits de douane américains, atteint un niveau inédit. Depuis le mois d’avril 2025, l’administration Trump a institué des hausses tarifaires pouvant atteindre 145 % sur certains produits stratégiques en provenance de Chine, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la pharmacie et de la tech.

Selon le FMI, cette politique entraîne une série de distorsions dans les chaînes de valeur mondiales, avec des effets directs sur les marges des entreprises importatrices et les prix à la consommation. Le Fonds souligne également l’émergence de barrières non tarifaires, telles que les normes d’origine ou les subventions ciblées, qui aggravent les perturbations. « Les droits de douane, comme toutes les taxes, augmentent les recettes au détriment de l’activité, qu’ils réduisent et déplacent », rappelle Kristalina Georgieva.

L'impact est différencié selon les régions : les économies avancées parviennent à amortir les chocs via des politiques de soutien, tandis que les pays émergents et en développement restent fortement exposés aux variations des conditions d’échange.
 

Une dynamique d’incertitude généralisée, aux implications macroéconomiques multiples

Le FMI identifie plusieurs risques macroéconomiques systémiques à surveiller de près :
    • Volatilité des marchés financiers, notamment sur les obligations souveraines et les devises.
    • Retrait progressif des flux d’aide internationale, affectant les pays à faible revenu.
    • Décalage des décisions d’investissement, lié à une lisibilité dégradée des politiques commerciales.

En parallèle, l’institution anticipe un regain d’épargne de précaution, un indicateur classique d’anticipation de risque par les ménages et les entreprises. « Plus l’incertitude persiste, plus les coûts sont élevés », avertit le FMI dans ses documents préparatoires.

En arrière-plan, le FMI observe une transformation durable des relations commerciales internationales. Le discours tenu par Kristalina Georgieva devant la presse internationale évoque l’émergence d’un monde multipolaire, où la régionalisation des échanges devient la norme. « Dans un monde multipolaire, la question de savoir où les choses sont fabriquées peut importer plus que celle de savoir combien elles coûtent ».

Cette tendance à la relocalisation stratégique, motivée par des considérations de sécurité nationale, concerne les secteurs sensibles comme les semi-conducteurs, l’énergie, et les équipements médicaux. Le FMI recommande néanmoins que cette transition soit encadrée par des règles multilatérales pour éviter la dérive vers des politiques industrielles conflictuelles.