Meta ne diffusera plus de publicités politiques et électorales en Europe



Anton Kunin
28/07/2025

Les projecteurs se braquent sur un nouvel affrontement entre Bruxelles et les géants du numérique. Cette fois, c’est Meta qui lève les bras : plus de publicités électorales en Europe. Mais qui sort vraiment vainqueur de ce bras de fer ?


Publicité politique : Meta tire sa révérence en Europe

Le 25 juillet 2025, Meta, la société éditrice de Facebook, Instagram et WhatsApp, a annoncé qu’elle mettra fin dès octobre 2025 aux publicités à caractère politique, social ou électoral diffusées dans les États membres de l’Union européenne. Cette décision, à première vue radicale, intervient dans un contexte juridique tendu où les nouvelles règles imposées par Bruxelles rendent, selon l’entreprise, l’exploitation de ce marché « juridiquement incertaine » et « techniquement impraticable ». Facebook et Instagram cesseront donc tout affichage sponsorisé sur ces sujets, face à un environnement réglementaire devenu « incompatible avec une diffusion efficace et sécurisée de ce type de contenu », selon le communiqué de Meta.

Le règlement européen TTPA : transparence ou verrouillage ?

La directrive européenne en question, baptisée TTPA (Transparency and Targeting of Political Advertising), doit entrer en application le 10 octobre 2025. Elle impose à chaque plateforme d’identifier clairement l’auteur de toute publicité à visée politique, de préciser le montant de la campagne, les paramètres de ciblage employés et les échéances électorales concernées. L’ensemble de ces informations devra être rendu public dans une base consultable, au risque sinon d’encourir des sanctions financières pouvant atteindre 6% du chiffre d’affaires annuel mondial. Un niveau de contrainte inédit dans l’univers du marketing numérique.

Dans son communiqué, Meta évoque un choix « délicat mais nécessaire ». L’entreprise défend sa volonté de garantir une information pluraliste mais estime que le texte européen « compromet la qualité du service offert » à ses utilisateurs comme à ses partenaires annonceurs.

Ce retrait n’impactera toutefois que les publicités payantes : les contenus d’expression politique diffusés sans sponsorisation resteront autorisés. Pour autant, de nombreuses organisations — partis émergents, syndicats, associations — dépendaient de ce levier pour toucher un public ciblé à faible coût. Leur voix pourrait, dès lors, être reléguée en arrière-plan des flux d’information.

Google avait ouvert la voie : un mouvement coordonné ?

En novembre 2024, Google, par l’intermédiaire de sa maison-mère Alphabet, avait déjà pris la même décision pour ses plateformes européennes. Meta ne fait que suivre un mouvement initié en réaction à un encadrement jugé trop rigide.

Dans les rangs de la Commission européenne, la fermeté prévaut : les mesures de transparence sont nécessaires pour préserver l’intégrité des élections, menacée selon elle par les campagnes de manipulation étrangères et la désinformation en ligne.

​Une Europe à la parole plus propre... ou plus pauvre ?

Si l’ambition du TTPA est de moraliser l’espace public numérique, son application pourrait cependant produire des effets contre-productifs. En dissuadant les grandes plateformes d’héberger de la publicité politique, l’Union court le risque d’assécher l’un des canaux les plus utilisés pour informer, mobiliser, interpeller.

En bout de chaîne, ce sont les électeurs européens qui pourraient se retrouver avec une information politique réduite, fragmentaire, ou biaisée. En se retirant, Meta n’oppose pas simplement une résistance passive : l’entreprise pose la question de savoir jusqu’où la transparence peut se transformer en étouffement réglementaire.