La violence change de visage



Anton Kunin
30/11/2016

L’OCDE publie aujourd’hui une étude de 182 pages sur le phénomène de la violence. Ses enseignements devraient permettre de mieux orienter les politiques publiques et l’aide internationale.


Après une tendance vers la paix, le monde est devenu plus violent au cours de la dernière décennie. Une recrudescence particulière a été observée depuis 2014.

Une hausse globale de la violence

Premier constat : la violence est devenue plus léthale, les organisations criminelles ont gagné en capacité d’adaptation et en efficacité, l’instabilité politique s’est accrue, les « villes fragiles» ont émergé, et l’extrémisme violent a connu un essor sans précédent. L’ensemble de ces facteurs a entraîné une recrudescence globale de la violence.

La violence n’est plus l’apanage de conflits armés

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la majorité des décès de cause non naturelle ne sont pas dus aux guerres. En 2015, 83 % des victimes de violence léthale l’ont été en dehors de conflits armés, d’après les calucls de Small Arms Survey.
L’intensité de la violence est loin d’être la même partout. En effet, moins de pays ont enregistré des taux de mortalité élevés dus à la violence en 2015. En revanche, les pays où ces taux élevés ont été observés, la violence a connu une augmentation.

Un phénomène au nouveau visage

Autre obseration des spécialistes de l’OCDE : les mesures traditionnelles ne prennent pas en compte la délinquance violente d’envergure et les conflits armés de faible ampleur. D’après les calculs de l’OMS, pas moins de 1,3 million de personnes meurent chaque année du fait de violences interpersonnelles ou collectives, soit 2,5 % de la mortalité dans le monde. Les chercheurs de l’OCDE s’accordent sur le fait que les conflits traditionnels entre États sont en perte de vitesse, tandis que la violence causée par l’instabilité politique à l’intérieur d’un pays est en hausse.

Un phénomène inégalement réparti

Quatrième constat : il y a plus de violence aujourd’hui, et elle a lieu dans des endroits où on ne l’aurait pas supposé. Ainsi, la violence politique touche 3,34 milliards d’individus, soit quasiment la moitié de la population modiale. Sur les 20 régions du monde où la pire violence a été observée, 11 n’étaient pas sujets à des conflits.
Les régions où la violence a les plus grandes proportions sont le centre des États-Unis (33,6 décès pour 100 000 habitants), le sud du continent africain (31,2 décès), les Caraïbes (20,5) et l’Amérique du Sud (17). Un tiers de tous les homicides a lieu en Amérique du Sud et les Caraïbes, où vivent seuls 8 % de la population mondiale.

Un coût humain très élevé

Les déplacements forcés sont un des plus importants impacts non-léthaux de la violence. 65,3 millions de personnes ont dû quitter leur lieu de résidence en 2015 en raison de conflits, d’après le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Réfugiés, le chiffre le plus important depuis 1950. Au-delà des migrations hors des frontières, de loin les plus médiatisées, 8,6 millions de personnes ont dû partir pour trouver refuge ailleurs au sein du même pays.

Des conséquences économiques également

Le coût économique de la violence est lui aussi en hausse. Au-delà des conséquences immédiates (mortalité, lésions corporelles, déplacements forcés) , la violence engendre des conséquences à plus long terme, comme des troubles psychologiques ou de santé, qui nécessitent des soins (et les dépenses qui vont avec) et ne permettent pas à leurs victimes de participer pleinement à la vie économique. Le développement des régions s’en trouve retardé longtemps après que les violences aient cessé.