Croissance française : faut-il s’habituer à la stagnation ?



François Lapierre
30/04/2025

Le 30 avril 2025, l’Insee a dévoilé sa première estimation du produit intérieur brut (PIB) français pour le premier trimestre. Résultat : une croissance limitée à +0,2 %, juste assez pour éviter la stagnation. Mais cette donnée, plus symbolique qu’économiquement significative, interroge. Pourquoi la croissance française semble-t-elle incapable de retrouver une dynamique robuste ? Faut-il désormais considérer cette mollesse comme une norme ?


Une croissance artificielle masquée par les stocks

Le chiffre est modeste. Mais le détail est encore plus parlant. Ce +0,2 % de croissance au T1 2025 est dû quasi exclusivement aux variations de stocks, dont la contribution atteint +0,5 point. Sans cela, le PIB aurait reculé de -0,3 %, souligne l’Insee dans sa publication du 30 avril.

La demande intérieure finale est restée atone, et la consommation des ménages, traditionnel moteur de l’économie française, n’a progressé que de +0,1 %. Quant à l’investissement des entreprises, il affiche une timide hausse de +0,3 %, insuffisante pour amorcer un cycle de relance. Les exportations plongent de -0,7 %, les importations progressent de +0,4 %, et la contribution du commerce extérieur s’établit à -0,4 point. Le cabinet Asterès tranche dans le vif : « Cette progression reste trop faible pour enclencher un véritable redémarrage. » Le constat est sans appel : cette croissance est un trompe-l’œil, davantage statistique qu’économique.

La France, mauvais élève de la reprise européenne ?

Si l’on observe le panorama européen, la France ne se distingue pas par son dynamisme. En Allemagne, le PIB progresse de +0,3 % au T1, en dépit d’un secteur industriel encore en mutation. L’Espagne, elle, affiche +0,5 %, portée par le tourisme et la consommation. Même l’Italie, souvent jugée fragile, dépasse la France avec +0,4 %.
Le contexte est pourtant commun à toute l’Europe : désinflation en cours, tensions géopolitiques, politique monétaire restrictive. Mais la réponse française reste particulièrement inefficace. En cause : une spécialisation industrielle peu résiliente, une consommation trop dépendante des dispositifs publics, et un investissement privé encore frileux malgré des signaux d’assouplissement monétaire.

Des moteurs internes en panne sèche

Le cœur de l'économie française peine à redémarrer. Le secteur de la construction reste en décroissance (-0,5 %), tandis que l’industrie, malgré quelques hausses ponctuelles (agroalimentaire +1,6 %), recule dans des branches majeures : équipements électriques (-0,8 %), raffinage (-3,2 %).
Du côté des ménages, l’épargne reste élevée (18,5 % du revenu disponible brut), signe d’un attentisme persistant. Les incitations à consommer sont émoussées par des politiques contradictoires – le bonus-malus écologique sur les véhicules, par exemple, a gelé les achats de voitures (-4,4 %).
Les entreprises, elles, évoquent un contexte d’incertitude prolongée. La Banque centrale européenne note dans son bulletin de février : « Les conditions de financement restent strictes, en raison notamment du renouvellement à des taux plus élevés de certains prêts arrivant à échéance. » Résultat : peu d’investissement productif, peu d’embauches, et un cycle d’activité qui plafonne.