Basculement énergétique : les renouvelables dominent désormais sur le charbon



Anton Kunin
07/10/2025

Pour la première fois de l’histoire, les renouvelables ont généré plus d’électricité que le charbon au niveau mondial au cours du premier semestre 2025, marquant un tournant énergétique dont les répercussions pourraient s’étendre bien au-delà du secteur de l’électricité.


Production électrique mondiale : le charbon ne « pèse » désormais que 33%

Dans un contexte de pression accrue pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les chiffres consolidés du premier semestre 2025 montrent qu’une rupture majeure est en train de s’opérer au sein de l’offre électrique mondiale : les renouvelables ont surpassé le charbon, révèle le cabinet Ember. Ce basculement traduit une dynamique inédite dans l’évolution de l’offre d’électricité, porté notamment par la croissance spectaculaire du solaire et de l’éolien, dans un monde où la demande électrique augmente de façon continue.

Au cours des six premiers mois de 2025, les renouvelables ont produit 5.072 TWh, dépassant la production du charbon, qui est retombée à 4.896 TWh. Cette progression s’est accompagnée d’une croissance de la demande électrique mondiale de 2,6%, soit +369 TWh par rapport à la même période en 2024.

Les renouvelables n’ont pas simplement suivi la demande : elles l’ont surpassée. En effet, leur augmentation (+363 TWh, +7,7%) a été plus élevée que celle de la demande globale. Le charbon, quant à lui, a vu sa production reculer de 31 TWh, ce qui ramène sa part de 34,2% à 33,1%. Et ce phénomène n’est pas circonscrit à quelques pays : selon les analyses d'Ember, 88 pays, représentant 93% de la demande mondiale, ont signalé que les renouvelables dépassaient désormais le charbon dans leur mix électrique national. Le modèle de l’offre électrique bascule donc de façon structurelle vers des sources plus vertes.

La progression des renouvelables masque des trajectoires très hétérogènes selon les zones géographiques

En Chine et en Inde, la croissance du solaire et de l’éolien a été fulgurante, permettant une réduction de la production fossile. Le rapport Ember souligne que la Chine a réduit sa production fossile de 2%, tandis que ses productions solaire et éolienne ont crû respectivement de 43% et 16%. En Inde, les hausses ont atteint +31% pour le solaire et +29% pour l’éolien, traduisant une contraction de 3,1% dans l’usage du charbon et du gaz.

À l’inverse, aux États-Unis et dans l’Union européenne, l’augmentation de la demande et des contraintes hydriques ou éoliennes défavorables ont conduit à un regain du charbon. Aux États-Unis, la génération à base de charbon a bondi de 17%. tandis que le gaz recula de 3,9%. En Europe, la production fossile croît également : le gaz de +14% et le charbon de +1,1%. Ainsi, le basculement vers les renouvelables est puissant globalement, mais il n’est pas homogène localement.

Les ressorts du succès des renouvelables

Plusieurs leviers convergent pour expliquer pourquoi les renouvelables ont pu supplanter le charbon au plan global — éléments que des lecteurs avertis sauront apprécier dans leur dimension stratégique. D’abord, la chute des coûts technologiques rend le solaire photovoltaïque et l’éolien largement compétitifs. Les auteurs du rapport notent que le solaire à lui seul a couvert 83% de l’augmentation de la demande mondiale sur cette période. L’éolien, plus modeste mais constant, a contribué à hauteur de +97 TWh (+7,7%) à cette progression.

Ensuite, la souplesse opérationnelle et l’effacement des centrales thermiques non flexibles entrent en jeu. Des études montrent que dans certains réseaux, l’éolien remplace efficacement les centrales thermiques selon les conditions, jusqu’à 100% dans les systèmes très flexibles. Toutefois, les gains varient fortement selon la structure du réseau et la proportion de charbon déjà présente.

De plus, la base de la capacité d’accueil (réseaux, stockage, interconnexions) et les politiques de soutien jouent un rôle crucial : l’essor des renouvelables s’appuie sur des cadres favorables, des incitations financières et des programmes de modernisation des réseaux. L’évolution actuelle pourrait donc ne pas être un simple palier, mais le point de départ d’un nouveau paradigme.