Carnets de l'Economie

Le CETA est adopté : une juridiction privée pourrait voir le jour




Anton Kunin
16/02/2017

Le Parlement européen vient d’adopter le traité de libre-échange Europe-Canada, connu sous le nom de CETA. S’il entre en vigueur, des litiges entre des entreprises et des États pourront être examinés par un tribunal supranational.


L’ICS, une instance aux pouvoirs très larges

Le CETA prévoit la création d’une Cour des investissements, appelée Investment Court System en anglais ou tout simplement par son sigle, l’ICS. Il s’agit d’un véritable tribunal appelé à défendre les intérêts des entreprises lorsqu’ils sont menacés par telle ou telle disposition législative. Le principe en lui-même n’est pas nouveau et a déjà été utilisé par le passé. Le cas le plus parlant reste la décision d’un tribunal similaire d’obliger le gouvernement allemand à indemniser à hauteur de 4,7 milliards de dollars une société énergétique lorsque ses centrales nucléaires ont été fermées après que le gouvernement allemand a décidé de l’abandon progressif du nucléaire.

Un tel tribunal pourrait par exemple contraindre la France à revenir sur sa décision, prise en 2011, d’interdire l’extraction du pétrole par fracturation hydraulique. Les gouvernements des différents pays européens peuvent bien sûr adopter, au niveau national, des dispositions limitant les pouvoirs de l’ICS, mais rares sont les États qui sont allés jusque-là. Sur les neuf pays européens ayant interdit l’exploration de gaz de schiste, seule la Buglarie a choisi de se prémunir contre un potentiel recours de l’ICS.

L’ICS ne sera pas opérationnel tout de suite

​95 % des dispositions du CETA pourront s’appliquer le premier du mois suivant celui où les parties de l’accord auront notifié l’une l’autre qu’elles ont rempli les conditions nécessaires à la mise en oeuvre du CETA. Cela se fera vraisemblablement courant mars, ainsi le CETA commencera sans doute à s’appliquer dès le 1er avril. Toutefois, l’ICS ne fait pas partie de ces 95 % des dispositions : sa création n’engage pas l’Union européenne dans son ensemble mais les différents États européens individuellement. Pour que le CETA puisse s’appliquer dans son ensemble, une procédure de ratification par les 38 parlements nationaux et régionaux que compte l’Europe sera nécessaire. Et c’est là que l’incertitude plane : il suffira d’un seul vote contre pour qu’une mise en oeuvre complète du CETA ne voie pas le jour.